L'intelligence artificielle et l'avenir du travail : Comprendre, transformer, s'adapter

Intelligence artifielle

L’IBEFE du Brabant wallon a lancé en septembre dernier un nouveau cycle de deux conférences en ligne consacré à l’Intelligence Artificielle. Ce mini-cycle a pour objectif de mettre en lumière les impacts de l’IA sur le monde du travail et sur les relations humaines, en adoptant une perspective rarement explorée dans les débats publics.

 

La première conférence de ce cycle s’est tenue le 25 septembre 2025 et a permis d’ouvrir la réflexion sur les transformations du monde du travail à l’ère de l’intelligence artificielle. Animée par Monsieur Grégory Lewkowicz, Professeur à l’ULB, Directeur académique de FARI et Directeur du Smart Law Hub, elle a abordé les enjeux liés à la productivité, aux métiers, à la formation et à la compétitivité. Vous trouverez ci-dessous un résumé des principaux éléments discutés lors de cette rencontre.

1. Introduction à l’IA

Le débat sur l’IA est aujourd’hui souvent difficile car l’IA est une notion à contenu variable. Parler de l’IA ne dit rien de la technologie sous-jacente.

L’IA n’est pas une technologie unique, mais est un ensemble de méthodes utilisé pour créer des machines dites « intelligentes » (comparer les performances de la machine et de l’humain).

Le développement des « Large Language Models » (LLMs) et de l’IA générative a ensuite été expliqué.

2. Productivité

Des données de recherches scientifiques ont été partagées pour savoir quel est l’impact de l’IA sur la productivité. Il est difficile de chiffrer son impact en termes de performance car différents paramètres doivent être pris en compte (le temps de réalisation de la tâche, la qualité des réponses…) ; l’expérimentation ne s’opère pour l’instant que pour des tâches bien spécifiques. Les contextes d’utilisation de l’IA générative ont été abordés tout en s’interrogeant sur la place laissée au jugement humain, aux discussions autour de la résolution de problèmes en entreprise...

L’utilisation de l’IA permet davantage de gains de productivité individuelle (avec certaines variations), mais comporte également des risques ; les organisations rencontrent des difficultés à capter ces gains de productivité. On assisterait à un « aplatissement des compétences ».

3. Impact sur le travail et marché du travail

L’impact sur le travail et le marché du travail a été présenté à un niveau plus macro. L’adoption de l’IA générative est actuellement extrêmement rapide. Certains emplois semblent plus exposés ou impactés que d’autres ; ils sont à « haut risque de remplacement » mais pour l’instant on n’en mesure pas avec précision les effets concrets. Pour certains métiers, on observe davantage de transformation au niveau des tâches réalisées (diminution de la créativité, de la pensée critique, mais davantage de supervision et de vérification). Le management devrait pouvoir changer afin de rendre le travail plus intéressant et maintenir la motivation des travailleurs.

Pour les institutions, l’adoption de l’IA est lente. Elles procèdent à l’achat de licences qui sont déjà obsolètes. Une adoption davantage par les jeunes et par le public masculin est constatée en Europe dans le secteur privé, alors que l’utilisation de l’IA n’est pas encadrée.

Pour savoir quel est l’effet sur le marché du travail, on évalue sur l’ensemble de la force de travail, les professions ou emplois (par exemples en lien avec la production de documents, d’images) potentiellement exposés à l’usage de l’IA.

L’Organisation internationale du Travail (OIT) a publié une note de recherche « Intelligence artificielle générative et emploi : révision 2025[1]. Cette note de recherche résume un document de travail de l'OIT qui affine l’évaluation mondiale de l’exposition des professions à l’intelligence artificielle générative. Elle présente une méthodologie actualisée combinant données par tâches, expertise humaine et prédictions d’IA pour appuyer une analyse plus précise de l’impact potentiel de l’IA générative sur l’emploi. ». Téléchargez la publication.

L’OIT a défini quatre gradients d’exposition à l’IA générative sur les différentes professions, allant du gradient 1 (faible exposition, forte variabilité des tâches) au gradient 4 (exposition très élevée, faible variabilité des tâches), pour mesurer leur risque d’automatisation.

Consultez le graphique interactif[2] et sélectionner un des grands groupes de professions pour filtrer. Par exemple pour le groupe « Services et ventes », la profession de Télévendeur est située au gradient 4.

Au niveau de l’exposition à l’IA générative sur le marché du travail européen, les emplois féminins sont davantage à risque d’être remplacés. Par exemples, le travail de bureau, la paie, l’analyse financière, la secrétaire, le télévendeur, le comptable.

Pour le marché du travail belge, l’intervenant se réfère à l’étude de View. Brussels & Actiris de fin 2024 « Impact de l’IA sur le marché du travail bruxellois ». Cette étude révèle que 30 à 40% des professions sont impactées.  Téléchargez l’étude.

« L’évolution de l’intelligence artificielle (IA) devrait avoir un impact majeur sur le marché du travail. Contrairement à d’autres évolutions (notamment la digitalisation ou la transition environnementale) qui touchent plus généralement les travailleurs plus faiblement qualifiés, l’IA a ceci de particulier qu’elle devrait concerner l’ensemble des catégories de travailleurs. Selon les calculs de view.brussels, environ 73 % des personnes actives occupées résidant en Région bruxelloise seront fortement exposées à l’IA dans les années à venir. »

  • Notons que View.brussels et Actiris brussels ont publié une nouvelle étude en mai 2025 : « Focus - Intelligence artificielle et marché de l’emploi - Analyse exploratoire des impacts potentiels sur les métiers - Secteurs : santé et action sociale, horeca et services de conseils aux entreprises ». Téléchargez l’étude.

 

Aux Etats-Unis, l’effet sur le marché de l’emploi s’observe par un impact sur le recrutement, à savoir qu’il y a moins de recrutement en début de carrière (les emplois juniors seraient en diminution). Cet effet se vérifie notamment dans les emplois liés au développement informatique et au service des consommateurs.

4. Transformation des métiers et formation

L’IA transforme les tâches. Le travailleur contrôle la qualité de la donnée en input et en output, il passe de l’exécution des tâches vers la supervision des tâches. Par exemple, le métier de Conseiller en crédit dans les banques a été profondément bouleversé, car les machines sont décisives dans l’analyse de la solvabilité.

Dans le contexte de transformation des tâches, la gestion du changement devient de plus en plus importante au niveau du management.

Trois enjeux sont identifiés pour les compétences et la formation :

  • Deskilling : la perte de compétences. Elle doit être gérée pour deux raisons. D’une part, il convient d’identifier les compétences que l’on perd, et d’autre part il est utile de préciser celles que l’on souhaite conserver. Il y a des compétences que l’on veut garder même si des tâches sont effectuées par la machine. Par exemple, dans le domaine du droit pour la révision de certains contrats, on utilise des machines, mais on souhaite tout de même conserver l’exposition des jeunes juristes à une variété de clauses.  

 

  • Upskilling : un niveau de compétences plus élevé. L’utilisation de l’IA implique que les tâches des travailleurs se complexifient. Par exemple, dans le domaine des assurances, des formations sont organisées à l’échelle de l’organisation, en utilisant les systèmes d’IA. Pour la rédaction d’un testament, il ne reste qu’un pourcentage du document qui sera traité par un spécialiste, car la première rédaction du texte l’est par l’IA. Cette utilisation de l’IA apporte une plus-value dans le domaine des assurances et change le type de compétences nécessaires pour les travailleurs.

 

  • Reskilling : l’acquisition de nouvelles compétences. Ces nouvelles compétences doivent permettre de tirer bénéfice de l’IA ou de réaliser de nouvelles tâches inaccessibles à l’IA. Par exemple, il peut être nécessaire de développer des compétences humaines et conceptuelles, de bon sens, de connaissance de la réalité.

5. Compétitivité et enjeux pour les entreprises

L’utilisation de l’IA ne constitue pas un avantage concurrentiel pour une organisation, cette avancée technologique majeure étant accessible à l’ensemble des entreprises. Les avantages du recours à l’IA ne vont être que temporaires.

Par exemples, une modification des processus dans les  entreprises de traduction et de sous-titrages de films est constatée. Dans le secteur bancaire, l’impact de l’utilisation de l’IA sur la diminution du nombre d’employés des centres de contact est davantage observé à moyen terme.

Pour tirer profit de l’utilisation de l’IA, les entreprises doivent se questionner autour de leur stratégie, leurs données (la donnée est une ressource, elle devrait être davantage valorisée). La technologie doit également être abordée.  Auparavant, les services IT étaient du support. Ce n’est plus le cas, ils deviennent des acteurs clefs dans la prise de décision. La dimension IT devient stratégique et les entreprises n’ont souvent pas de stratégie en matière d’IA ; elles ne savent pas quoi en faire, avec quel retour sur investissement. Le dernier enjeu est celui des compétences : les personnes sont-elles suffisamment formées pour l’utilisation des outils ?

Les transformations sur le monde du travail sont rapides. Les entreprises se situent dans une phase d’expérimentation.

Comment l’IA générative intègre la dimension éthique ?

Cette question sera abordée au cours de la seconde conférence, à laquelle nous espérons vous voir nombreux.

 

[1] ILO, Generative AI and Jobs – May 2025.

[2] Source : © 2025 Organisation internationale du Travail (OIT).

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